Il en est des révolutions comme des bonnes intentions : elles ne durent que le temps de régénérer sous un autre nom l’absolutisme ou les travers qu’elles prétendaient combattre.
D’une tyrannie l’autre, le despote suspend son trône sur les trois piliers du pouvoir : la puissance, l’argent et la courtisanerie.
Du Versailles de Louis XIV chroniqué par Saint Simon au Fontainebleau de Napoléon III méprisé par Victor Hugo, les mêmes causes produisent les mêmes effets : contrôler les récalcitrants par la sujétion aux prébendes et aux honneurs.
Aujourd’hui, dans une économie insensée et radicale, le Roi Client règne en maître sur son fournisseur, vilaine soubrette condamnée à toutes les contorsions pour survivre. Dans l’art consommé de la servilité, le courtisan B2B doit avoir la séduction comme moyen et l’intérêt pour fin.
Préparons nos suppliques, faisons-nous remarquer, soyons assidu, respectons l’étiquette et plions-nous au protocole, transformons la compétence en cuistrerie et nos propositions de valeur en préciosités, le tout dans un parfait esprit de conservation…
Car le Monarque a désormais le pouvoir absolu. En appui de ses prérogatives habituelles, les moyens et l’autorité, il s’est emparé de la dernière arme qu’on pouvait encore lui opposer : l’accès universel à la connaissance.
Dans le monde plat de l’information et sa résultante, la transparence, le professionnel s’éduque dorénavant lui-même tout au long d’un parcours d’achat chaque jour plus complexe dont il maîtrise l’accès et le calendrier.
Mais comment ne pas rester aux portes de l’entreprise et optimiser sa réussite commerciale en 2011 ?
Corollaire : le fournisseur doit donc être un éditeur avant d’être un vendeur et produire, mettre à disposition et valoriser des contenus pertinents à tous les stades du processus pour réduire le sentiment de risque personnel du décideur tout en l’aidant à prendre la meilleure décision. D’où une obligation de présence et d’ostentation permanente à travers un dispositif de publication qui exploite tous les supports online utilisés par les cibles.
Ce nouveau Régime est en mode frugal pour baisser les coûts à production égale ou supérieure; d’où un temps d’attention et de réceptivité de plus en plus réduits par la surcharge de travail et la diminution des ressources. L’aversion absolue au risque modifie les modes d’organisation avec de plus en plus d’acteurs impliqués dans la décision pour diluer les responsabilités et accroître les points de contrôle.
Corollaire : le fournisseur doit compléter son savoir-faire avec un savoir-être qui s’adapte à tous les types d’interlocuteurs impliqués dans le processus. Adopter les bonnes postures et le jeu subtil des hiérarchies, des faveurs et des disgrâces pour amadouer les puissants…
Quand l’entreprise achète-elle ? Quand elle est acculée à le faire… L’acte d’achat est une rupture du statut quo quand bien souvent il est urgent d’attendre. Un mal nécessaire. Et une source d’instabilité et d’incertitudes quant à la bonne adéquation avec le besoin, la difficulté de mise en œuvre et la rentabilité de l’opération.
Corolllaire : le fournisseur doit être un accompagnateur du changement, mettre en place une stratégie relationnelle pendant toute la durée du cycle de décision d’achat, l’aider à calculer le coût d’une non-décision et poursuivre son rôle au-delà du livrable en proposant les outils et l’aide nécessaires au contrôle, à la mesure du retour sur investissement et à l’optimisation des résultats attendus. Toujours être dans le sillage de Sa Magnificence pendant ses déambulations tout en couvrant du regard les pas royaux, à l’heure de la promenade …
Dès lors, quelles sont les bonnes pratiques à adopter pour devenir un courtisan modèle ?
Etape 1 : se faire admettre à la cour
La connaissance intime de ses rouages est le pré-requis à toute stratégie d’obtention de faveurs et de business. Apprendre les codes et les usages, maîtriser les formules, précéder les modes… Et surtout connaître parfaitement son écosystème.
Les bonnes pratiques : analyser ses ventes en privilégiant la compréhension des réussites plutôt que des échecs. Analyser et segmenter sa base de données prospects/clients, identifier les besoins à travers les recherches d’informations dans les moteurs de recherche, comprendre les méthodes de collecte d’informations à partir d’enquêtes clients, analyser l’historique des contacts commerciaux générés à partir de leurs comportements sur les supports online…
Etape 2 : scruter les intrigues et les favori(te)s
Plus la vente est complexe, plus il y aura d’intervenants dans le circuit de décision. Qui sont ces acteurs et quelle est leur influence exacte dans le processus d’achat ?
Les bonnes pratiques : identifier par segment de marché les rôles, missions, fonctions, peurs et motivations des principaux interlocuteurs concernés : prescripteurs, utilisateurs, responsables opérationnels, décisionnaires… Votre force de vente sera particulièrement concernée par cette étude.
Créer des profils-type d’acteur de la décision avec leurs principales caractéristiques permettra ensuite de proposer des messages et des contenus qui les aideront à prendre la meilleure décision en diminuant le risque perçu.
Etape 3 : analyser et maîtriser les rituels
Du lever au coucher royal, le cérémonial du journée-type est balisée de séquences et d’actions récurrentes. Le cycle d’achat ou parcours d’achat est un itinéraire ponctué de phases de collecte d’informations et de décisions intermédiaires (rupture du statut quo, étude d’un cahier des charges, identification des solutions potentielles, évaluation des solutions pertinentes, mise en concurrence)
Les bonnes pratiques : identifier les principales étapes du parcours d’achat de vos prospects. Quelles sont les situations et problématiques qui déclenchent le processus d’achat ? Quels types d’informations recherchent-ils à chaque stade ? Par quels moyens ? Quels sont les délais ? Quels contenus seraient adaptés et pertinents pour chaque séquence afin d’influencer les décisions ?
Etape 4 : séduire par l’esprit et la lettre en cultivant l’à-propos
L’objectif n’est pas d’augmenter significativement le nombre de leads mais leur qualité (appartenance aux différents segments de marché, potentiel économique, niveau d’engagement, degré de décision) en concevant un contenu parfaitement en phase avec les comportements, les moments et les besoins.
Les bonnes pratiques : ne jamais parler de soi mais d’autrui, créer un contenu focalisé sur l’écosystème des entreprises-cibles et sur les problématiques des décideurs, se différencier de la concurrence, tester plusieurs proposition de valeur, se positionner auprès de toutes les cibles identifiées (marchés, acteurs du circuit de décision, étapes du parcours d’achat)
Etape 5 : être toujours au bon endroit sans y être attendu
Les acteurs du circuit de décision vont consommer de l’information en autant de manières différentes, d’attention et de disponibilité que d’interlocuteurs concernés. Au parcours de l’acheteur doit correspondre un itinéraire de persuasion idéalement synchronisé.
Les bonnes pratiques : livrer et mettre à disposition ses contenus par les canaux et les formats privilégiés par son audience (newsletters, emails, médias sociaux, sites sectoriels, moteurs de recherche…) avec une hyper-segmentation pour améliorer leur pouvoir d’engagement (par mots-clés, fonctions, rôles, objectifs, besoins…)
Etape 6 : capter les signes et recueillir ses gages
D’après une étude Aberdeen, 84% des leads qualifiés par le marketing quelque soient les efforts investis ne sont pas prêts à acheter. Dans le langage du commercial qui raisonne à court terme, les prospects livrés seront hors cible au mieux ou fortement avariés au pire…
Les bonnes pratiques : évaluer l’opportunité selon le référentiel de segmentation et le contact selon son degré de maturité, lui associer son profil d’acheteur correspondant, déclencher les actions relationnelles qui feront progresser sa confiance, analyser les comportements en ligne et enfin se doter des indicateurs simples qui permettront de créer une boucle d’amélioration de la performance, d’optimiser l’allocation des ressources et faire évoluer l’ensemble des processus.
En suivant scrupuleusement ces nouvelles règles de bienséance, votre servitude sera totale pour le plus grand bénéfice de vos œuvres…
Malgré cette bienveillante tutelle, l’ingratitude demeure et le risque de complot rôde. Sachons rassurer le Souverain sur sa propre intégrité et celle de son Royaume, et le courtisan B to B deviendra son plus précieux et irrévocable obligé…
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