Lorsque le HMS Beagle leva l’ancre de Plymouth le 27 décembre 1831, il avait à son bord le naturaliste qui allait révolutionner notre compréhension du vivant et de nos origines : Charles Darwin. Pendant cinq ans, il accumula les preuves et les analyses au fil des escales d’un tour du monde qui le mena du Cap Vert aux îles Keeling, en passant par les Galapágos ou la Terre de Feu.
Le prospect est un organisme vivant qui répond lui aussi à la théorie de l’évolution : sa capacité d’adaptation à l’environnement hostile du cycle de vente impose quelques mutations pour favoriser la reproduction des bons de commande.
Car 80% des leads online ont d’abord un objectif de collecte d’informations et ne sont pas prêts à échanger immédiatement avec un fournisseur.
Or, c’est bien connu : les grands prédateurs délaissent les proies immatures ou trop chétives.
Que le vendeur constate que son contact n’est encore qu’au stade du Crétacé et il rejoindra les fossiles qu’un concurrent ira déterrer un jour ou l’autre au cours d’une expédition commerciale.
Comment pratiquer dès lors une sélection naturelle pour ne livrer à la force de vente que des prospects prêts à acheter ? En développant un processus de lead scoring.
Les reportings de vos CRM sont sans appel : en moyenne, seulement 20% des leads fournis aux commerciaux sont exploités. Pire : 50% des forces de vente ne savent pas traiter correctement ces contacts et plus de la moitié des responsables commerciaux considèrent au final que le marketing fait mal son travail… (1)
Pour enfoncer le clou, d’autres études montrent que 78% des prospects signent avec le fournisseur qui les a contacté le premier.
Vos contacts générés en ligne surviennent à des moments différents du cycle d’achat ; leur degré de maturité doit donc être mesuré pour décider de les remettre dans la boucle marketing ou de les livrer en pâture aux commerciaux.
En considérant que vous détenez des informations fiables sur leur profil et son adéquation avec vos cibles, il est nécessaire d’identifier les signaux objectifs qui traduisent une intention de concrétiser un acte d’achat.
C’est le comportement du lead au fil du temps qui permettra de détecter l’émergence d’une nouvelle opportunité en fonction d’un processus d’évaluation que vous aurez à définir. L’objectif est de classer et hiérarchiser les leads avec un système de points par critères établis pour leur donner ou non un statut de prospect opérationnel pour la force de vente. Quelles sont les éléments à noter pour construire un référentiel de scoring ?
1- Les données explicites : celles qui vous sont fournies par le prospect lui-même, soit à partir d’un formulaire ou bien lors d’une qualification téléphonique.
Elles sont de deux types :
-les informations qui définissent l’état et la qualité d’un projet : c’est le référentiel B.A.N.T., soit B = Budget, A = Authority, N = Need, T = Time frame.
Inconvénient : elles s’obtiennent surtout lorsqu’une relation de confiance a été établie avec le prospect et donc à un stade déjà avancé.
-les informations socio-démographiques : celles qui définissent l’individu (nom, titre/fonction, email, téléphone…) et son entreprise (raison sociale, secteur d’activité, localisation géographique, effectifs, CA…)
Inconvénients : ces informations relèvent du déclaratif et montrent souvent leurs limites.
Les individus ont généralement tendance à surévaluer leur rôle et leur environnement (leur fonction, la taille de leur entreprise…) ; quant à l’entreprise, les grands groupes auront tendance à rester discrets pour éviter le harcèlement et inversement les TPE/PME voudront plutôt être perçues comme des acteurs beaucoup plus significatifs qu’ils ne le sont réellement pour être crédibles.
Ensuite, on trouve hélas beaucoup de fausses informations pour masquer des objectifs très éloignés de vos préoccupations commerciales ou tout simplement parce qu’il s’agit de vos concurrents.
2- Les données implicites : celles qui proviennent de l’analyse du comportement et permettent de mesurer le niveau d’engagement vers l’achat. Ce sont les actions réalisées par le prospect, leur fréquence et leur récence.
En ligne, on va compter le nombre et la nature des téléchargements, les ouvertures et les clics dans un email, les revisites sur le site, les pages vues et les temps de visites, etc…
Avantage : on mesure réellement le degré d’intérêt et le niveau d’engagement par rapport à l’offre.
Les actes ne mentent pas et nous les interprétons pour en définir la motivation. Cette démarche est équivalente à ce que les psychologues sociaux nomment l’attribution causale (Heider, 1944, 1958), c’est-à-dire la recherche par un individu des causes d’un évènement. Mais attention : de nombreux biais peuvent interférer dans cette analyse : des ajustements nés de l’expérience sont nécessaires pour adapter un barème de notation aux intentions réelles des prospects.
Le lead scoring permet de noter et de transmettre au bon moment les leads aux commerciaux, d’augmenter leur niveau d’appropriation et donc mécaniquement les taux de concrétisation. Mais c’est aussi un moyen d’identifier les canaux marketing les plus performants et d’optimiser ainsi les investissements. Enfin, la boucle d’expérience peut lui donner un rôle prédictif pour anticiper les comportements et donc les résultats d’une nouvelle campagne d’acquisition.
(1) Les différentes sources: Marketo, Sirius Decision, DemandGen, InTouch, Forrester, CSO Insights, Aberdeen Group
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