Marque BtoC contre marque BtoB
On connaît évidemment l’importance de la marque en B to C. Mais en BtoB ? Un acheteur professionnel va-t-il libérer ses pulsions obsessionnelles et ses accès maniaques à la seule vue d’une nouvelle gamme de chariots élévateurs scénarisée dans l’Usine Nouvelle ? Une affiche dans un lounge d’aéroport avec un type grisonnant à lunettes peut-il stimuler votre envie de haute performance en livraison express ? Peut-on raisonnablement penser que les milliards d’euros investis dans des campagnes corporate et produits soient dépensés en pure perte ?
La marque BtoB peut contribuer à générer des leads et des ventes à condition de licencier votre dircom et d’exercer de nouvelles techniques de manipulation…
Comment fonctionne le pouvoir de la marque ? En créant par la répétition une association entre un signe et une représentation contextuelle.
Son objectif est de produire un effet d’amorçage au cours d’un processus d’achat. A l’instar de tous nos stéréotypes, préjugés ou croyances, le stimulus de l’exposition à la marque va influencer la perception et le jugement du consommateur en situation.
Par exemple, évoquer une illusion de bien-être, voire d’hébétude. Voici une compilation de signatures bien connues : Elle est pas belle la vie !; Bien manger, c’est le début du bonheur ; On n’a pas inventé les grillades mais le bonheur qui va avec ; Chaque jour, c’est du bonheur à tartiner ; 360° de bonheur ; Zéro blabla, zéro tracas, c'est le bonheur assuré, Partenaire du bonheur, Ouvre du bonheur, Va chercher bonheur…
Tant pour ne pas renforcer bénévolement ce phénomène d’ancrage publicitaire que pour éviter le vertige de la mise en abyme, j’ai volontairement omis d’associer ces manifestes du surréalisme boutiquier à leurs marques. On reconnaîtra un fabricant de plats cuisinés, deux fabricants de fromage industriel, un fabricant de pâte à tartiner, une chaîne de restauration, un assureur, un distributeur de matériel de bricolage, un fabricant de sodas et une entreprise de téléphonie mobile.
On constatera que le concept philosophique de bonheur se réduit ici à une simple incitation au plaisir et par extension de la réduction, à la jouissance.
Plutôt téméraire, car se taper sur les doigts en plantant un clou, remplir un constat d’accident, s’attabler dans une hutte au milieu d’une zone industrielle, manger des boules de fromage pasteurisé, avaler des barquettes de tagliatelles au micro-onde, faire tomber une tartine du mauvais côté ou limiter ma liberté d’expression avec un forfait bloqué n’ont jamais été pour moi des stimuli suffisants pour déclencher un début d’orgasme. Tel est le pouvoir de la marque : créer des artefacts émotionnels pour influencer la décision d’achat.
Branding is priming
Mais ce pouvoir est bien plus large encore car capable d’influencer nos comportements dans des situations non directement liées aux produits que la marque promeut. Une étude édifiante publiée par le Journal of Consumer Research en juin 2008 tend à valider cette hypothèse.
Les auteurs ont décidé de comparer les effets de l’exposition à la marque Apple à ceux de la marque IBM. Dans le premier cas, celle-ci tend à véhiculer une personnalité non-conformiste, innovante et créative. A l’inverse ou presque, notre deuxième candidate est perçue comme traditionnelle, intelligente et responsable.
Deux groupes d’étudiants ont été exposé de manière subliminale (30 millisecondes) au logo de chacune des marques. Puis on leur demandé d’imaginer les différentes manières d’utiliser les éléments d’un jeu. Les individus exposés à Apple ont produit davantage de combinaisons qui ont été jugées plus créatives que celles des étudiants IBM.
Nous sommes victimes d’un mode de fonctionnement hérité des chasseurs-cueilleurs du Paléolithique : le comportement humain est régit par des réactions automatiques pour réduire au maximum les temps de décision et les coûts énergétiques. Au service d’un seul but : survivre le plus longtemps possible.
Mais dans l’entreprise, l’homme ne reste jamais seul très longtemps avec une carte de crédit. Le processus d’achat est long et complexe, le circuit de décision implique plusieurs acteurs aux personnalités, motivations, objectifs et rôles différents, voire antagonistes. Dans ces conditions, le mécanisme manipulatoire de la marque peut-il encore fonctionner ?
La réponse est positive mais d'une manière différente : l'émotion qui va dominer et influencer la décision d'achat, c'est la peur de l'échec.
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A suivre (3/3) : quels sont les éléments-clés pour construire la marque, ses impacts spécifiques et ses avantages dans un modèle business to business
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