Jean-Edern Hallier, dans ses Carnets Impudiques (page 251, Editions Michel Lafon, format papier uniquement), nous gratifie d’une de ses estimables saillies ontologiques : « La pensée n’a cessé de descendre depuis les origines. Dieu le Père s’adresse à la tête, Jésus le fils au cœur, Marx au ventre et Freud au sexe »
J’y vois une analogie pertinente pour illustrer l’antagonisme entre approches marketing B to C et B to B. Le camelot B to C va activer les leviers de l’émotion et du désir pendant que le camarade B to B va s’adresser à la raison (le R.O.I) et à l’instinct de conservation (ne pas se faire virer par ses actionnaires ou son patron)
Panels de consommateurs en thérapie de groupe qui somatisent leurs pulsions d’achat ou attendent le miracle en tête de gondole ? Prophète rétrosexuel en slip Dolce & Gabbana et tongs Havaianas pratiquant la multiplication des tickets Leclerc pendant la semaine du vibro ?
Aréopages du CAC 40 devisant au Siècle sur les mérites d’un improbable modèle entre EBITDA et RSA ? Patrons de PME cherchant le client en jonglant avec les 35 heures subventionnées et les heures supplémentaires défiscalisées entre deux prud’hommes et trois impayés ?
Depuis 50 ans, les plus brillants esprits ont mis au point des procédés imparables fondés sur la psychologie sociale et comportementale pour transformer un chômeur en consommateur compulsif et une lanterne rouillée en icône addictive et globalisée. Sans nul doute, le marketing B2C est un modèle du genre mais est-il pour autant adaptable au B2B ? Hélas, il est à craindre que la glamour attitude ou le porno chic n’auront que peu d’influence sur le cycle de décision d’achat d’une palette de roulement à bille. De même, l’arsenal bien rôdé des techniques de communication, des campagnes à 360° au marketing participatif, n’aura que peu d’impact sur des cadres séquestrés par des grévistes qui réclament du travail ou interdits de séjour par le dernier plan social de leur entreprise.
Pourtant, les apothicaires du marketing continuent encore à faire bouillir leur marmite BtoC dans les hauts fourneaux du BtoB. Quelles sont les erreurs à commettre pour être certain d’échouer dans votre stratégie de développement ? Première partie : le match marketing online B2C vs. B2B
Le mode de ciblage
Priorité à la transaction en BtoC : la séquence unique du cycle d’achat (sélection d’un distributeur, c’est-à-dire d’un rapport qualité coût/accessibilité) va orienter le ciblage mots-clés vers les requêtes brandées et les déclinaisons produits et usages. L’internaute étant la plupart du temps le décisionnaire, l’acheteur et l’utilisateur final, la décision d’achat va se déclencher à partir d’un ressort comportemental primitif (satisfaction d’une pulsion ou d’un désir, image sociale pour susciter le désir et la reconnaissance d’autrui, renforcement de l’estime de soi) avec une seule objection - le prix, à lever.
Rien à voir en BtoB : le cycle d’achat comporte plusieurs séquences chronologiques linéaires qui vont mobiliser des supports et typologies de recherches différents. Et il n’y a pas un seul internaute mais plusieurs acteurs impliqués dans le circuit de décision de l’entreprise qui vont venir capter et analyser de l’information en fonction de leur rôle et objectif : identifier les solutions disponibles, prescrire des spécificités, évaluer des caractéristiques techniques, sélectionner la solution pertinente, analyser les opportunités et les menaces, les forces et les faiblesses, étudier les coûts, évaluer le fournisseur, négocier la prestation, décider et valider.
Par conséquent, Le ciblage mots-clés sera extrait d’une analyse approfondie de l’écosystème de recherches pour fournir une cartographie de la demande et des motivations de cibles multiples, ainsi que des séquences chronologiques associées.
Le mode de trafficking
Générer du trafic, c’est l’antienne du B to C puisque la principale vocation du site est de servir de carrefour d’audience pour toutes les actions marketing online/offline. Objectifs de notoriété, de création de bases de données ou de ventes directes, le BtoC doit générer des volumes de trafic élevé à la mesure de son marché mais avec la contrainte d’un panier moyen généralement modeste et d’un taux de churn important. Par conséquent, le coût d’acquisition d’un visiteur doit rester raisonnable pour atteindre les objectifs de ROI. C’est l’exact contraire en B to B : le trafic est beaucoup plus faible mais l’enjeu de la transformation d’un visiteur qualifié en lead est beaucoup plus décisif en regard de sa Customer Value. La concurrence va donc se disputer un trafic rare mais à potentiel économique élevé : les coûts d’acquisition du visiteur vont mécaniquement partir à la hausse.
La seule manière de contrôler vos coûts est d’augmenter votre Quality Score. Mais celui-ci est basé sur des dizaines de paramètres liées à la performance des campagnes et surtout sur des éléments techniques de structure et de contenus. Vous devez donc inclure des coûts de ressources et de développements supplémentaires (compétences marketing, connaissances sectorielles & métiers, ciblage complexe, tests, conception de contenus segmentés et spécialisés…).
Le mode de gestion
Hérités du e-Commerce, la plupart des campagnes BtoC sont gérées par des outils de bid management qui permettent de traiter automatiquement les enchères selon des tactiques pré-établies. Même Adwords propose ce genre de fonctionnalité. Or, la plupart d’entre eux sont conçus pour traiter des milliers voire des millions de mots clés et permettre ainsi de réaliser des gains de productivité mais au prix d’une augmentation mécanique du coût au clic. C’est parfaitement légitime pour promouvoir des catalogues de produits qui exigeraient des ressources internes disproportionnées pour être gérés à la main. Mais ces modèles statistiques ne fonctionnent plus en BtoB car le nombre d’intervenants et donc de comportements de recherche dans le circuit de décision d’achat est beaucoup plus élevé, alors que le nombre de requêtes est beaucoup plus faible.
D’autre part, les comportements de recherche sont différents : en B2C, les internautes privilégient la satisfaction rapide et donc les premières positions, et explorent plus longuement les quelques sites sélectionnés. C’est l’inverse en B2B : la peur d’échouer pousse l’internaute à évaluer le plus d’informations possibles en répartissant au mieux ses ressources de temps limitées. Les taux de rebond sont donc très élevés car le professionnel doit trouver une réponse immédiate à sa requête pour pallier son manque de disponibilité; en d’autre terme, la synchronisation doit être parfaite entre le besoin d’information de l’internaute et la proposition de contenu.
D’autre part, peu de conversions ont lieu lors de la première visite. Le processus d’engagement étant long et complexe, des retours seront nécessaires et pas forcément réalisés par l’internaute d’origine. La structure du site doit donc s’adapter en conséquence, en particulier la home page. Chez les clients iProspects, j’observe un taux de conversion jusqu’à 125% plus élevé sur les secondes visites et au-delà. Et quand on analyse la répartition des retours de prospects dans le temps, on constate que plus de 10% d’entre eux reviennent entre 15 jours et un an plus tard.
La vraie bataille est donc celle du contenu car la vocation du marketing BtoB online est de générer des leads et non du trafic selon un processus itératif, structuré dans le temps et aux multiples intervenants.
En ces temps de rigueur, le manager avisé n’a qu’une alternative : augmenter sa performance à budget constant ou maintenir ses résultats à budget réduit, le tout dans un contexte de baisse continue de la demande depuis le début de l’année. Or, les agences classiques se rémunèrent sur une base de 6 à 15% des investissements engagés. Dans le premier cas, il s’agit de leur demander beaucoup plus de travail pour le même prix ; dans le second, de diminuer leur honoraires en augmentant leurs efforts pour compenser le ralentissement du marché. De plus, les enveloppes budgétaires du BtoB sont bien plus réduites qu’en BtoC. Dans ces conditions, avez-vous la garantie que vos intérêts seront toujours prioritaires et ardemment défendus ?
Pour être certain d’échouer, appliquez sans tarder les recettes du BtoC…
A suivre 2/3 : Branding BtoB : marque B to C contre marque B to B
Bravo pour la qualité de votre article Cyril. Le succès d'une campagne Adwords repose effectivement sur l'analyse de son écosystème web et sur la qualité de l'offre proposée par rapport à sa cible. Les résultats de la campagne BTPPro réalisée grâce à votre support a confirmé cette règle.
Rédigé par : Franck Nallet | 01 septembre 2009 à 11:02